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jeudi 23 février 2012

La force du sentiment


LaCroiseeDesErrances.jpgNé d’une commande de la Région Rhône-alpes, La Croisée des errances, sous-titré « Jean-Jacques Rousseau entre fleuve et montagnes », est avant tout un livre de Lionel Bourg, plein d’une lancinante poésie, où il fait bon s’aventurer. On y suit passionnément l’auteur qui, lui-même, a mis ses pas dans ceux de Jean-Jacques. Une émouvante cordée.

Rousseau, ici et maintenant ! C’est à cette manière de commémoration, impertinente et vive, que Lionel Bourg convie son lecteur, n’hésitant pas à faire le tour de la statue du grand homme pour montrer ce qu’il y a derrière, faire visiter, apprécier les paysages, chercher coûte que coûte à entendre battre le cœur de Jean-Jacques. Celui de Lionel Bourg s’ouvre grand, dès le début de cette marche littéraire et biographique : « J’aime Rousseau. » Voilà qui est dit. Avis aux grincheux et autres défenseurs de l’icône. Ce Rousseau-là est le sien…
Il y a sa façon de marcher et de penser à la fois, de trouver refuge dans les montagnes du Pilat ou d’ailleurs, une forme de solitude bienfaisante sous le prétexte d’herboriser. Il y a aussi l’aversion pour les puissants, « cette indignation qu’aucun baume n’apaise », la propension à l’insubordination autant qu’à la rêverie, la passion pour la langue, le goût éperdu de la liberté, cette philosophie de gueux, que Voltaire lui reproche, et puis, plus que tout, une inadéquation au monde, quelque chose qui cloche à l’intérieur, là, sous la peau. C’est cela surtout qui rapproche Lionel de Jean-Jacques.

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vendredi 16 décembre 2011

L'Irréductible, par Lionel Bourg

                                                     IrréductiblesLionelBourgIrreductible.jpg

Où comment et seulement en une vingtaine de pages un écrivain rencontre un écrivain


C’est un texte dur, qui court. C’est un texte court, qui dure. Un portrait qui tient de l’autoportrait, majestueux en diable, plein de mots forts et de plaisirs déliés, dédiés.
L’irréductible, c’est bien sûr Rousseau, le chenapan-citoyen de Genève qui, tel un Rimbaud inverse, s’enfuit dans les lettres pour ne plus avoir à voir les êtres. Pour parvenir à ses fins, Rousseau abandonne tout : la rhétorique, les coteries, les princes et j’en passe. Il devient le promeneur, seul, comme il y a un seul penseur, celui de Rodin. Ce n’est pas un choix que d’être irréductible, c’est un destin. La mainmise de l’âme sur le corps.
Le texte de Bourg s’élabore ainsi, entre l’esquisse et l’esquive, va très vite à l’existentiel pour ne pas perdre l’essence. Rousseau est toujours saisi au plus loin, par morceaux détachés : des autres, de son siècle, de lui, de l’univers. La liberté est à ce prix : n’avoir point d’appartenance, de propriétés. Briller d’un argent autre que l’argent, être finalement livré à soi-même et « jouissant de cette disponibilité ».
« Le Rousseau que j’évoque, mon Rousseau… » : voilà Bourg qui vend la mèche au détour d’une phrase, concédant que Jean-Jacques, ce vaurien qui le vaut bien, lui colle à la peau. L’irréductible c’est lui, l’irréductible c’est moi. Ils se sont rencontrés à la « croisée des chemins », quelque part dans le Pilat. Ils ont vagabondé de concert. Marché de conserve. « Marchant, tout s’avive. La pensée, les sensations, la certitude à maints égards irrationnelle de s’unir au dehors… » Cela a peut-être un autre nom : écrire. « Écrire. Disparaître. Renaître ».
Il faut savourer ces 21 pages - 630 lignes de liberté cherchée et retrouvée. Il en va du bonheur de lire et d’aimer. Un homme. Une façon d’être. De penser. De rêver. Il paraît que ce petit livre contient en germe un autre livre, à paraître en janvier 2012 : La Croisée des errances. On l’attend avec encore plus d’impatience.

Roger-Yves Roche
Lionel Bourg
L'Irréductible
Éditions La Passe du vent
32 p., 3 €
ISBN 978-2-84562-189-5

À paraître également aux Éditions La Passe du vent en janvier 2012 :

  • Rousseau au fil des mots. 10 mots, 10 écrivains, 100 citations. Collectif
    Avant-propos de Xavier North et Jean-Jack Queyranne. Introduction d’Éliane Baracetti.
    “À sa manière ce livre est un herbier, comme les aimait l’auteur des Confessions. Il nous propose un bouquet de cent citations tirées de l’oeuvre de Rousseau, et dix belles fleurs – les dix textes d’auteurs contemporains rédigés autour et à partir des dix mots de la Semaine de la langue française et de la francophonie”. - Xavier North
  • Essai sur l’origine des langues. Jean-Jacques Rousseau
    Introduction d’Abraham Bengio.
    “Il nous reste désormais ses livres. Et c’est à nous qu’il incombe aujourd’hui, sinon de répondre à l’appel de Jean-Jacques, du moins de méditer la leçon de Rousseau. Pour cela, je ne sais rien de plus efficace que l’Essai sur l’origine des langues.” - Abraham Bengio
  • Citoyen Rousseau. Boîte postale Les Charmettes. Correspondances. Collectif
    Préface de Lionel Bourg – réédition Paroles d’Aube, 1997.
    Le Festival du Premier Roman de Chambéry demande à ses auteurs d’écrire une lettre à Rousseau et déniche dans la volumineuse Correspondance du philosophe la lettre qu’il eût pu envoyer en réponse.


mardi 11 octobre 2011

Et cet homme ce sera moi

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La Croisée des errances
Illustration de Géraldine Kosiak
Jeudi 6 octobre dernier, le comité de pilotage de la Semaine de la langue française et de la francophonie organisait grâce à l'Espace Pandora une rencontre régionale : "Je t'écris pour me dire". Le but de cette journée était d'approfondir la thématique retenue autour des 10 mots inspirés de Rousseau, de faire le point des initiatives en cours, de permettre des échanges et des coopérations futures.

Lors de cette journée, Lionel Bourg a évoqué Jean-Jacques Rousseau au cours d'une intervention dont nous donnons ici le texte.

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lundi 08 novembre 2010

Je n'ai plus que des sensations (4)

Lionel Bourg
Carnet de route (4)

     Vallée du Rhône
     De Lyon jusqu’aux quais d’Avignon, le coche d’eau assurant la liaison fluviale ne devait pas être bateau d’agrément quand Rousseau navigua à son bord.
     Remous, tourbillons, courants plus musculeux qu’ils ne le sont encore, les barques à fond plat chaviraient çà et là, les bateliers n’évitant pas toujours les pièges d’un Rhône qui, canalisé, assagi, ses bras morts embourbés sous des taillis où n’éclosent que les fleurs des sacs publicitaires de la grande distribution, n’a maintenant que des fureurs intermittentes.
     Jean-Jacques n’est pas Faulkner.
     Ni Melville ni Thomas Wolfe. L’espace qu’il dépeint garde partout la mesure de son pas. Il a besoin de sources, de calmes étendues que ride à peine le souffle d’une brise rafraîchissante. Besoin de ruisseaux, de rivières.
     Il eût été perdu près du Mississippi, à Jefferson ou par les collines boisées de pins du comté d’Yoknapatawpha.


     Bourg-Saint-Andéol
     Dans le Grand Jardin du palais des Évêques, la fontaine de Neptune ne bouillonne plus et le souverain de la mer, amputé d’un bras et d’une jambe, règne sur les eaux verdâtres du bassin sous l’apparence d’un maître au corps pansé de plaques métalliques tant bien que mal assujetties.
     Le parc n’en est pas moins fort beau. Fort agréable aussi.
     J’y cueille une figue, succulente, flatte la crinière d’un lion de pierre, me disant que ces nobles allées, et le Dieu Mithra qu’encadrent les sources vauclusiennes, l’église romane ou les opulentes demeures comme leurs carrés de nature domestique eussent probablement retenu Rousseau s’il avait fait halte afin de poursuivre son idylle avec Mme de Larnage.

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lundi 27 septembre 2010

Je n'ai plus que des sensations (3)

Lionel Bourg
Carnet de route (3)

     Pilat
     Du Crêt de la Perdrix à celui de l’Œillon, la lande, qu’interrompt deux ou trois avancées des forêts, serait beaucoup plus nue si pins et sorbiers, à l’écart du gros de la troupe, ne tentaient pas subrepticement de coloniser le domaine.
     Le chemin, tracé par les bruyères, la myrtille et les graminées qui ne sont jamais si câlines qu’aux dernières journées du mois d’août, n’en reste pas moins l’un des plus attachants de la montagne.
Sans hâte, j’atteins le Crêt de l’Étançon, embrassant peu à peu, comme rarement, les Alpes et la vallée du Rhône : le pays d’errance de Rousseau.
     Parvenu au sommet, où je m’attarde - il fait si beau, le paysage est tellement vaste -, l’imposant éboulis, les buissons d’églantiers et les framboisiers qui déjà se racornissent, le ciel que l’on croirait pouvoir effleurer, tout s’assemble et concourt au moment d’évidence qui me cloue sur place : je suis ici chez moi.

     Annecy
     Logeant à un jet de pierre du Château, la fenêtre de ma chambre s’ouvre sur les chaudes écailles des toits. Le soleil du soir s’y étire ou s’y love, comme un chat.
     J’ai mis à profit le bel après-midi pour me repaître de la vieille ville, privilégiant on le devine la rue Jean-Jacques Rousseau qui, par bonheur, ne s’encombre de boutiques et méprise la bimbeloterie carte-postalienne dont regorgent les ruelles voisines. Miracle ! Personne… C’est que les contingents de visiteurs piétinent près du canal, ne se souciant ni de Jean-Jacques ni de Madame de Warens : la solitude dont je bénéficie soudain sied à ma recherche de leurs fantômes.                                                                       

                                                                                *

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