Attention, l’écrivain d’aujourd'hui (et de Saint-Étienne) sait se tenir à sa place ! Jouer à Jean-Jacques, ce n’est pas son genre, loin de là. Il le suit, pas à pas le respire, cherche à le deviner, l’accompagne sur les routes, dans les villes, les jardins et les bois, l’empathie en guise de boussole. C’est beau, une écriture, lorsque cela s’enroule délicatement autour de la connaissance, lorsque la phrase, savante et sensible, conduit à la communion – républicaine, il s’entend ! Là est le tour de force réussi par Lionel Bourg : nous présenter Rousseau en nous faisant aimer Jean-Jacques.
« La vie ne serait-elle que déception ? », s’interroge l’auteur. Mais lequel ? L’un fait écho à l’autre. La mélancolie accompagne la fragilité de Rousseau. Pour Lionel Bourg, elle est une piste, un lieu de rencontre. « Le regret de n’être que soi », c’est aussi cela La Croisée des errances. Avec l’auteur des Confessions, l’écriture eut ontologiquement à voir avec la sincérité. Une aventure de vie singulière et douloureuse qui ne pouvait laisser indifférent Lionel Bourg l’écorché.
Alors son livre sur Rousseau est bourré de tendresse, d’anecdotes sensuelles et de drôlerie. Car autant que Madame de Larnage, qui fit découvrir l’amour « le plus charnel » à Jean-Jacques, l’auteur s’y entend en agaceries – tout au moins littéraires… À sa manière, c’est vrai, il nous apprend le plaisir. Celui d’accompagner Rousseau par monts et par vaux. Le long de la Saône, pour une nuit étoilée sous la voûte du ciel, à la Jasserie du Pilat, pour un magnifique repas d’auberge, dans la douce maison des Charmettes, où sont palpables encore quelques traces de bonheur… Un Rousseau intime, deux promeneurs solitaires.

Laurent Bonzon

Lionel Bourg
La Croisée des errances
Jean-Jacques Rousseau entre fleuve et montagnes
Dessins de Géraldine Kosiak
La Fosse aux ours, 2012
182 p., 16 €
ISBN 978-2-35707-026-4