Les Musiques percutées

présentent

Sous le patronage de Monsieur le Consul général de Suisse à Lyon,
de Monsieur le Préfet de la Région Rhône-Alpes, Préfet du Rhône,

VENDREDI 15 JUIN 2012  à 18 HEURES


à la résidence du Consulat général de Suisse à Lyon
21, rue de l'Oratoire
69300 Caluire-et-Cuire
Et
Dans le cadre du Festival des forêts 2012
à Compiègne
Saint-Pierre-de-Chartres
Samedi 23 juin 2012 à 18h

UN BUREAU EN FORÊT

Jean-Jacques Rousseau, le promeneur volontaire

Texte

Henri-Alexis Baatsch


Conception et réalisation

Philippe Morier-Genoud




Avec
François Marthouret : Rousseau 50 ans
Jean François Lapalus : Winnicott 55 ans
Thomas Poulard : Rousseau jeune 25 ans et  Vincent
Fani Carenco /  Laure Duchet : Zulietta, Marion et  Lou
Linda Massoz : Mlle Galley, Sophie d’Houdetot, Julie
Julie Tarnat : Mlle Graffenried, Mme d'Epinay, Thérèse et Mlle Lambercier
Philippe Morier-Genoud : Le vicaire savoyard, Grimm, David Hume, Saint-Just, Kant
Yannick Laurent : Le Capitaine, d'Alembert, Diderot, Robespierre

Musiques
Œuvres
Jean-Philippe Rameau : Extraits des Indes Galantes
Christophe Willibald Gluck : Extraits d'Orphée et Eurydice
Jean-Jacques Rousseau : Extrait du Devin du Village
Antonio Vivaldi : Extraits du concerto La Notte

Adaptation, invention et transitions musicales
Laurent Mariusse
Avec
Laurent Mariusse,marimba/vibraphone
Franz Dartmann, flûte
Frédéric Dutheil, violoncelle

Un Bureau en Forêt (créé en juin 2012) a été rendu possible grâce à l’enthousiasme et l’opiniâtreté de Monsieur Michel Faillettaz, Consul Général de Suisse à Lyon, qui a mis à la disposition du projet toutes ses ressources : le Parc de la Résidence du Consulat Général et  les moyens décisifs pour  sa réalisation.
 Cette initiative a rencontré  l’adhésion immédiate et l’enthousiasme de Monsieur Jean-François Carenco, Préfet de la Région Rhône-Alpes et Préfet du Rhône et elle a été non moins chaleureusement  accueillie et produite en Région Pïcardie par M. Eric Rouchaud, directeur  de l’Espace Jean-Legendre et du Théâtre Impérial, en association avec  le Festival des Forêts (Les Promenades musicales de Compiègne), dirigé par Madame Alexandra Letuppe-Pantic. Nous ne voudrions pas omettre de mentionner la Direction Régionale des Affaires Culturelles en Rhône-Alpes en la personne de son directeur, Monsieur Alain Lombard, sans l’aide de qui le projet n’aurait pas vu le jour.  Nous tenons  à souligner enfin  le travail de mobilisation considérable de la Région Rhône-Alpes  pour la  célébration du tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau. Qu’ils en soient ici vivement remerciés.

PRÉSENTATION

« N’ayant jamais pu écrire et penser à mon aise que sub dio,
je n’étais pas tenté de changer de méthode,
et je comptais bien que la forêt de Montmorency,
qui était presque à ma porte, serait désormais mon cabinet de travail. »
Jean-Jacques Rousseau. Confessions. Livre IX.


Rousseau 2012 – un tricentenaire
La Région Rhône-Alpes n'a pas oublié que Chambéry et « Les Charmettes », furent  territoire et lieu d'accueil premiers du jeune Rousseau - fuyard genevois - et le point d'éveil de la carrière de l’écrivain-philosophe que l’on sait. Dans cet « environnement naturel » donc il a été décidé de célébrer avec éclat le tricentenaire de sa naissance en collaboration, bien sûr, avec Genève et la Suisse toute voisine.

L'écrivain Henri-Alexis Baatsch a retraversé « le monde  de Jean-Jacques Rousseau » en vue d'une création dramatique. De ce regard sur une époque éloignée, mais du  dedans de l’œuvre elle-même est née une suite dramatique et musicale quelque peu rafraîchissante et vivante : UN BUREAU EN FORET, Jean-Jacques Rousseau, le promeneur volontaire

Une audacieuse trouvaille : faire se rencontrer, au milieu de ses contemporains et dans un face-à-face inattendu, le Jean-Jacques Rousseau de l’Emile confronté au questionnement de l’analyste et pédiatre éducateur anglais, Donald Winnicott (1896-1971). Conformément à son  titre, la pièce est destinée à être représentée « en  extérieur ».

Á Compiègne l’invitation du Festival des Forêts, soutenue par L’Espace Jean Legendre et le Théâtre Impérial donnent et à ce projet  tout son sens. En effet  quelles forêts plus que celles de Compiègne n’offriraient-elles mieux  aux  promenades musicales et littéraires, par leurs vastes et profondes étendues, cette sérénité native qu’y rechercha Rousseau ? C’est dans les parages du Vieux Moulin  et du Prieuré de St- Pierre-en-Chastres que nous avons souhaité donner à entendre UN BUREAU EN FORÊT.

Philippe Morier-Genoud



Parole d’auteur
La parole de Jean-Jacques Rousseau est peut-être trop complexe et même trop belle pour qu’on puisse la faire entendre aujourd’hui sous sa forme strictement originale.
Il s’imposait aussi de faire des choix intuitifs - contestables - dans cette œuvre considérable et très diversifiée, qui a été menée tantôt avec un brillant succès, tantôt et plus souvent dans le combat, bien plus méritoire, d’un seul contre tous.
Les idées générales de Rousseau, en politique comme en éducation des enfants, sur la situation de l’homme face à la nature et sur sa conception de la divinité, ont été un temps débattues par tous. Elles ont donné le meilleur et le pire. Elles lui ont valu la détestation des puissants et une sorte de vénération populaire pour quelques décennies.
Les idées philosophiques de Rousseau sont étroitement liées aux développements de sa vie affective, elles ont aussi entraîné les secousses et les tourments réels de son existence concrète
Les unes et les autres sont aujourd’hui patrimoine de la sensibilité commune mais aussi patrimoine anthropologique commun, tant elles ont visé à définir la place de l’homme dans l’ensemble vivant et celle de l’individu dans l’ensemble social. 
Ses conceptions (et ses contradictions) sont aussi multiples que bonnes, convaincantes autant que contestables, aussi vraies que fausses, mais toujours admirablement formulées.
Elles nous appartiennent, elles nous attachent, nous voulons les défendre, mais sans révérence aveugle. 
J’ai pensé les faire d’autant mieux vivre en confrontant l’auteur des Confessions, cette magnifique exploration psychique, à l’écoute attentive et critique d’un Moderne, Donald Winnicott, mieux armé pour le  comprendre que ses contemporains, déroutés et hostiles à sa personnalité d’exception.  
C’est dans ce sens que cette action  théâtrale a été élaborée.

Henri-Alexis Baatsch


La Musique
La musique  a joué un rôle essentiel dans la vie de Rousseau. Passionné pour elle dès sa jeunesse, autodidacte de formation dans ce domaine, ébloui par le chant italien durant son séjour de secrétaire à l’ambassade de France à Venise, c’est avec une méthode de notation musicale nouvelle élaborée par lui qu’il est venu à Paris, qu’il a rencontré Jean-Philippe Rameau et qu’il s’est fait connaître comme pourfendeur du chant français au point de provoquer la mémorable Querelle des Bouffons. Son Devin du Village fit sa réputation d’artisan   d’un retour au chant naturel, qui connut un écho jusque dans l’œuvre musicale de Christophe Willibald Gluck. Rousseau est de plus l’auteur d’un Dictionnaire de Musique et il faut se souvenir qu’il a délibérément choisi de se faire copiste de musique de nombreuses années de sa vie pour assurer son indépendance envers tout pouvoir.
En relation avec le thème des Saisons du Festival des Forêts, nous avons  confié à l’un d’entre nous,  Laurent Mariusse, le soin d’élaborer une musique de scène et des transitions musicales qui illustrent à la fois l’atmosphère musicale d’une évocation de Rousseau et de son temps et qui, en même temps,  tiennent compte de la rencontre des époques, et des personnes, à deux siècles de distance, mise en œuvre par l’option dramatique d’Un Bureau en Forêt.
En 1778, Rousseau  vécut ses derniers mois à Ermenonville chez M. le marquis de Girardin et nul environnement, nulle saison ne nous paraissent plus propices pour célébrer avec texte et musique ses idées, son œuvre, sa personne et ce qu’ils nous ont apporté, qu’un site naturel épanoui, dans les derniers jours du printemps et les premiers de l’été.

Laurent Mariusse, Henri-Alexis Baatsch, Philippe Morier-Genoud



Extrait I
Rousseau lève les yeux. Sophie d’Houdetot est devant lui.

SOPHIE :
Je vous ai entendu, Rousseau.
Saint-Lambert revient, il est votre ami.
Il nous a permis de nous voir,
Il nous y a encouragés, pendant qu’il était à la guerre.
Pour nous consoler l’un l’autre.
Et soudain je me sens presque coupable
d’être allée si loin avec vous dans un rêve d’amour
que la beauté de la nature que vous m’avez fait connaître,
l’élévation de vos idées et la délicatesse de vos gestes
ne pouvaient qu’entretenir.
Non, je ne rappellerai pas ce qui s’est passé à Eaubonne,
ni dans ma chambre, ni les mots écrits au crayon sur un chêne,
ni ces soudaines ardeurs
qu’il me fallait repousser.
Nous nous sommes à peine effleurés…

ROUSSEAU :
Le premier prix de tes bontés
fut de m’apprendre à vaincre mon amour par lui-même,
de sacrifier mes plus ardents désirs
à celle qui les faisait naître,
et mon bonheur à ton repos.

SOPHIE (souriante, mais gênée) :
Pour ce repos justement…
Me rendrez-vous mes lettres ?

ROUSSEAU (attristé)
 Vous serez étonnée de voir qu’elles forment paquet…

SOPHIE :
Tant que ça ?

ROUSSEAU :
Oui. Me rendrez-vous les miennes ?

SOPHIE (troublée)
Je les ai brûlées…

ROUSSEAU (dans un sursaut)
Je n’en crois rien !
On ne jette point au feu des lettres pareilles !
On a trouvées brûlantes les lettres de mon roman…
Qu’aurait-on dit de celles-là !
Non, non, jamais celle qui peut inspirer
une pareille passion
n’aura le courage d’en brûler les preuves !

Noir complet.


Extrait II
 [Andreas (resté seul, monologue)
                Oui, Rousseau, champion d’une béatitude presque idiote, parfois. Du jeune homme qui s’aveugle au vieil homme qui dévoile sa mémoire. Qu’entend-on encore du monde que tu as parcouru ? Une sensibilité extrême au flux des passions, des désirs, des humeurs. Un caractère influençable qui cède constamment aux femmes et y accède si peu. Tu es un paradoxe vivant. Autodidacte formé par la vie, certes, mais avec des études réduites aux terrains qui ont su t’exalter, tu n’hésites pourtant pas à te poser en réformateur du monde. Mais quelle est cette vertu, dont  tu parles toujours, fondée sur la fuite devant le monde ? N’est-elle pas l’occasion d’un étrange leurre pour tous les rêveurs obstinés de réformes ? On les prépare à l’abri. On en fait des systèmes. Quand on les met en œuvre, qu’est-ce que cela devient ?! Non, décidément, je préfère l’abrupt jugement du lieutenant Bonaparte, à vingt ans, notant en marge de ce Contrat Social si pénible à lire, aussi pénible que Rameau pour toi : « Je ne crois rien de tout cela. »].