mardi 11 octobre 2011

Et cet homme ce sera moi

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La Croisée des errances
Illustration de Géraldine Kosiak
Jeudi 6 octobre dernier, le comité de pilotage de la Semaine de la langue française et de la francophonie organisait grâce à l'Espace Pandora une rencontre régionale : "Je t'écris pour me dire". Le but de cette journée était d'approfondir la thématique retenue autour des 10 mots inspirés de Rousseau, de faire le point des initiatives en cours, de permettre des échanges et des coopérations futures.

Lors de cette journée, Lionel Bourg a évoqué Jean-Jacques Rousseau au cours d'une intervention dont nous donnons ici le texte.

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lundi 08 novembre 2010

Je n'ai plus que des sensations (4)

Lionel Bourg
Carnet de route (4)

     Vallée du Rhône
     De Lyon jusqu’aux quais d’Avignon, le coche d’eau assurant la liaison fluviale ne devait pas être bateau d’agrément quand Rousseau navigua à son bord.
     Remous, tourbillons, courants plus musculeux qu’ils ne le sont encore, les barques à fond plat chaviraient çà et là, les bateliers n’évitant pas toujours les pièges d’un Rhône qui, canalisé, assagi, ses bras morts embourbés sous des taillis où n’éclosent que les fleurs des sacs publicitaires de la grande distribution, n’a maintenant que des fureurs intermittentes.
     Jean-Jacques n’est pas Faulkner.
     Ni Melville ni Thomas Wolfe. L’espace qu’il dépeint garde partout la mesure de son pas. Il a besoin de sources, de calmes étendues que ride à peine le souffle d’une brise rafraîchissante. Besoin de ruisseaux, de rivières.
     Il eût été perdu près du Mississippi, à Jefferson ou par les collines boisées de pins du comté d’Yoknapatawpha.


     Bourg-Saint-Andéol
     Dans le Grand Jardin du palais des Évêques, la fontaine de Neptune ne bouillonne plus et le souverain de la mer, amputé d’un bras et d’une jambe, règne sur les eaux verdâtres du bassin sous l’apparence d’un maître au corps pansé de plaques métalliques tant bien que mal assujetties.
     Le parc n’en est pas moins fort beau. Fort agréable aussi.
     J’y cueille une figue, succulente, flatte la crinière d’un lion de pierre, me disant que ces nobles allées, et le Dieu Mithra qu’encadrent les sources vauclusiennes, l’église romane ou les opulentes demeures comme leurs carrés de nature domestique eussent probablement retenu Rousseau s’il avait fait halte afin de poursuivre son idylle avec Mme de Larnage.

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lundi 27 septembre 2010

Je n'ai plus que des sensations (3)

Lionel Bourg
Carnet de route (3)

     Pilat
     Du Crêt de la Perdrix à celui de l’Œillon, la lande, qu’interrompt deux ou trois avancées des forêts, serait beaucoup plus nue si pins et sorbiers, à l’écart du gros de la troupe, ne tentaient pas subrepticement de coloniser le domaine.
     Le chemin, tracé par les bruyères, la myrtille et les graminées qui ne sont jamais si câlines qu’aux dernières journées du mois d’août, n’en reste pas moins l’un des plus attachants de la montagne.
Sans hâte, j’atteins le Crêt de l’Étançon, embrassant peu à peu, comme rarement, les Alpes et la vallée du Rhône : le pays d’errance de Rousseau.
     Parvenu au sommet, où je m’attarde - il fait si beau, le paysage est tellement vaste -, l’imposant éboulis, les buissons d’églantiers et les framboisiers qui déjà se racornissent, le ciel que l’on croirait pouvoir effleurer, tout s’assemble et concourt au moment d’évidence qui me cloue sur place : je suis ici chez moi.

     Annecy
     Logeant à un jet de pierre du Château, la fenêtre de ma chambre s’ouvre sur les chaudes écailles des toits. Le soleil du soir s’y étire ou s’y love, comme un chat.
     J’ai mis à profit le bel après-midi pour me repaître de la vieille ville, privilégiant on le devine la rue Jean-Jacques Rousseau qui, par bonheur, ne s’encombre de boutiques et méprise la bimbeloterie carte-postalienne dont regorgent les ruelles voisines. Miracle ! Personne… C’est que les contingents de visiteurs piétinent près du canal, ne se souciant ni de Jean-Jacques ni de Madame de Warens : la solitude dont je bénéficie soudain sied à ma recherche de leurs fantômes.                                                                       

                                                                                *

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vendredi 27 août 2010

Je n'ai plus que des sensations (2)

Lionel Bourg
Carnet de route (2)

Après les premières pages du Carnet de route de Lionel Bourg publiées ici en juillet, voici un nouvel envoi depuis la résidence itinérante qu'accomplit l'auteur sur les pas de Jean-Jacques Rousseau.       

     Pilat
     Rude chaleur, ce 9 juillet qui me voit à La Jasserie, marcheur fatigué prêt à boire des litres d’eau fraîche aux sources du Gier captées en contrebas.
     Je suis arrivé par le sentier qui, du Crêt de Botte, oblique sur la droite, traversant un bois de hêtres dont les plus torturés tendent au promeneur mains et moignons tout en bruissant au moindre souffle agitant l’atmosphère. Une côte. Des pierres qui roulent sous les pas. La lande et, dans la pliure des monts faisant cercle, la Grange où Jean-Jacques ne dormit que d’un oeil sur la paille grouillante de vermine.
     J’ai de nouveau quinze ans. Ou douze. Ou vingt.
     Les miens sont là. Maman, papa. Ma compagne. Nos filles.
     Nous avons cueilli des brassées de jonquilles. Des bleuets. Des digitales. Des pensées, certaines pâles, certaines sombres. Des myosotis et, ma mère en parait sa chevelure, des centaurées, du séneçon, les heures, les saisons mêlées dans ma mémoire sous ce même ciel qui s’obscurcit lentement, puis se crible d’étoiles.
     Rousseau n’eut pas ce bonheur.

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vendredi 23 juillet 2010

Je n’ai plus que des sensations

Lionel Bourg
Carnet de route

En résidence itinérante sur les pas de Jean-Jacques Rousseau, Lionel Bourg nous livre, après Jean-Jacques..., quelques pages de son Carnet de route. D'autres suivront, au rythme de l'aventure.

Mon âme morte à tous les grands mouvements ne
peut plus s’affecter que par des objets sensibles ; je n’ai
plus que des sensations, et ce n’est plus que par elles que
la peine ou le plaisir peuvent m’atteindre ici-bas.

Jean-Jacques Rousseau
(Rêveries, Septième promenade)

   Pilat
  Les martinets et les quelques hirondelles qui girent au-dessus de moi, ce soir, me conduisent incidemment et comme au fil du rasoir très affûté de leurs ailes à Jean-Jacques, lequel hébergeait des oiseaux, les accueillant avec l’humilité bienveillante d’un frère.
  Il fait beau.
  Les derniers jours de juin, qui m’apaisent, se dépouillent des pluies envahissantes des semaines antérieures.
  Je vais d’un bon pas.
  M’étends un instant sur l’herbe du talus bordant le chemin qu’emprunta Rousseau, non loin de Condrieu.
  Le Pilat me domine. M’attire ou, c’est ravissement neuf toujours depuis bien des années, aimante la limaille de mes plus anciens songes.
   L’air est pur. Plus transparent que de coutume.
   Je n’en contemple qu’avec davantage d’avidité les sommets tout là-haut, bleuâtres, violacés à cette heure matinale, scrutant la masse indistincte parfois et presque vaporeuse des versants scarifiés de pierraille.
   Crêt de la Chèvre. Crêt de la Perdrix.
   Sept, huit heures de marche.
   Avant, ce sera le beau village de la Chapelle-Villars, ses maisons groupées autour de l’église sur cette sorte de gradin, de plateau incliné que protègent des froids les monts Monnet et Ministre. La Croix de Montvieux ensuite. Le col de Pavezin. Doizieu enfin, par où l’on accède au Crêt de l’Œillon et à la lande mourant près des pâturages de la Jasserie, où Jean-Jacques ne trouva guère le sommeil.

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