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lundi 08 novembre 2010

Je n'ai plus que des sensations (4)

Lionel Bourg
Carnet de route (4)

     Vallée du Rhône
     De Lyon jusqu’aux quais d’Avignon, le coche d’eau assurant la liaison fluviale ne devait pas être bateau d’agrément quand Rousseau navigua à son bord.
     Remous, tourbillons, courants plus musculeux qu’ils ne le sont encore, les barques à fond plat chaviraient çà et là, les bateliers n’évitant pas toujours les pièges d’un Rhône qui, canalisé, assagi, ses bras morts embourbés sous des taillis où n’éclosent que les fleurs des sacs publicitaires de la grande distribution, n’a maintenant que des fureurs intermittentes.
     Jean-Jacques n’est pas Faulkner.
     Ni Melville ni Thomas Wolfe. L’espace qu’il dépeint garde partout la mesure de son pas. Il a besoin de sources, de calmes étendues que ride à peine le souffle d’une brise rafraîchissante. Besoin de ruisseaux, de rivières.
     Il eût été perdu près du Mississippi, à Jefferson ou par les collines boisées de pins du comté d’Yoknapatawpha.


     Bourg-Saint-Andéol
     Dans le Grand Jardin du palais des Évêques, la fontaine de Neptune ne bouillonne plus et le souverain de la mer, amputé d’un bras et d’une jambe, règne sur les eaux verdâtres du bassin sous l’apparence d’un maître au corps pansé de plaques métalliques tant bien que mal assujetties.
     Le parc n’en est pas moins fort beau. Fort agréable aussi.
     J’y cueille une figue, succulente, flatte la crinière d’un lion de pierre, me disant que ces nobles allées, et le Dieu Mithra qu’encadrent les sources vauclusiennes, l’église romane ou les opulentes demeures comme leurs carrés de nature domestique eussent probablement retenu Rousseau s’il avait fait halte afin de poursuivre son idylle avec Mme de Larnage.

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vendredi 27 août 2010

Je n'ai plus que des sensations (2)

Lionel Bourg
Carnet de route (2)

Après les premières pages du Carnet de route de Lionel Bourg publiées ici en juillet, voici un nouvel envoi depuis la résidence itinérante qu'accomplit l'auteur sur les pas de Jean-Jacques Rousseau.       

     Pilat
     Rude chaleur, ce 9 juillet qui me voit à La Jasserie, marcheur fatigué prêt à boire des litres d’eau fraîche aux sources du Gier captées en contrebas.
     Je suis arrivé par le sentier qui, du Crêt de Botte, oblique sur la droite, traversant un bois de hêtres dont les plus torturés tendent au promeneur mains et moignons tout en bruissant au moindre souffle agitant l’atmosphère. Une côte. Des pierres qui roulent sous les pas. La lande et, dans la pliure des monts faisant cercle, la Grange où Jean-Jacques ne dormit que d’un oeil sur la paille grouillante de vermine.
     J’ai de nouveau quinze ans. Ou douze. Ou vingt.
     Les miens sont là. Maman, papa. Ma compagne. Nos filles.
     Nous avons cueilli des brassées de jonquilles. Des bleuets. Des digitales. Des pensées, certaines pâles, certaines sombres. Des myosotis et, ma mère en parait sa chevelure, des centaurées, du séneçon, les heures, les saisons mêlées dans ma mémoire sous ce même ciel qui s’obscurcit lentement, puis se crible d’étoiles.
     Rousseau n’eut pas ce bonheur.

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