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vendredi 16 décembre 2011

L'Irréductible, par Lionel Bourg

                                                     IrréductiblesLionelBourgIrreductible.jpg

Où comment et seulement en une vingtaine de pages un écrivain rencontre un écrivain


C’est un texte dur, qui court. C’est un texte court, qui dure. Un portrait qui tient de l’autoportrait, majestueux en diable, plein de mots forts et de plaisirs déliés, dédiés.
L’irréductible, c’est bien sûr Rousseau, le chenapan-citoyen de Genève qui, tel un Rimbaud inverse, s’enfuit dans les lettres pour ne plus avoir à voir les êtres. Pour parvenir à ses fins, Rousseau abandonne tout : la rhétorique, les coteries, les princes et j’en passe. Il devient le promeneur, seul, comme il y a un seul penseur, celui de Rodin. Ce n’est pas un choix que d’être irréductible, c’est un destin. La mainmise de l’âme sur le corps.
Le texte de Bourg s’élabore ainsi, entre l’esquisse et l’esquive, va très vite à l’existentiel pour ne pas perdre l’essence. Rousseau est toujours saisi au plus loin, par morceaux détachés : des autres, de son siècle, de lui, de l’univers. La liberté est à ce prix : n’avoir point d’appartenance, de propriétés. Briller d’un argent autre que l’argent, être finalement livré à soi-même et « jouissant de cette disponibilité ».
« Le Rousseau que j’évoque, mon Rousseau… » : voilà Bourg qui vend la mèche au détour d’une phrase, concédant que Jean-Jacques, ce vaurien qui le vaut bien, lui colle à la peau. L’irréductible c’est lui, l’irréductible c’est moi. Ils se sont rencontrés à la « croisée des chemins », quelque part dans le Pilat. Ils ont vagabondé de concert. Marché de conserve. « Marchant, tout s’avive. La pensée, les sensations, la certitude à maints égards irrationnelle de s’unir au dehors… » Cela a peut-être un autre nom : écrire. « Écrire. Disparaître. Renaître ».
Il faut savourer ces 21 pages - 630 lignes de liberté cherchée et retrouvée. Il en va du bonheur de lire et d’aimer. Un homme. Une façon d’être. De penser. De rêver. Il paraît que ce petit livre contient en germe un autre livre, à paraître en janvier 2012 : La Croisée des errances. On l’attend avec encore plus d’impatience.

Roger-Yves Roche
Lionel Bourg
L'Irréductible
Éditions La Passe du vent
32 p., 3 €
ISBN 978-2-84562-189-5

À paraître également aux Éditions La Passe du vent en janvier 2012 :

  • Rousseau au fil des mots. 10 mots, 10 écrivains, 100 citations. Collectif
    Avant-propos de Xavier North et Jean-Jack Queyranne. Introduction d’Éliane Baracetti.
    “À sa manière ce livre est un herbier, comme les aimait l’auteur des Confessions. Il nous propose un bouquet de cent citations tirées de l’oeuvre de Rousseau, et dix belles fleurs – les dix textes d’auteurs contemporains rédigés autour et à partir des dix mots de la Semaine de la langue française et de la francophonie”. - Xavier North
  • Essai sur l’origine des langues. Jean-Jacques Rousseau
    Introduction d’Abraham Bengio.
    “Il nous reste désormais ses livres. Et c’est à nous qu’il incombe aujourd’hui, sinon de répondre à l’appel de Jean-Jacques, du moins de méditer la leçon de Rousseau. Pour cela, je ne sais rien de plus efficace que l’Essai sur l’origine des langues.” - Abraham Bengio
  • Citoyen Rousseau. Boîte postale Les Charmettes. Correspondances. Collectif
    Préface de Lionel Bourg – réédition Paroles d’Aube, 1997.
    Le Festival du Premier Roman de Chambéry demande à ses auteurs d’écrire une lettre à Rousseau et déniche dans la volumineuse Correspondance du philosophe la lettre qu’il eût pu envoyer en réponse.


lundi 21 novembre 2011

Rousseau : introduction à une pensée vagabonde par Robert Wokler

RousseauIntroductionPenseeVagabonde.gifUn portrait de l’œuvre de Rousseau par Robert Wokler. Un livre exigeant et passionnant où se déploie toute la pensée subtile du plus grand philosophe du XVIIIe siècle.

Personne ne peut prétendre (sup)porter le vrai masque du philosophe, excepté peut-être celui qui trempe la plume de ses idées dans l’encre de la passion. Voici résumée en peu de mots la substance du livre de Robert Wokler, sorte de portrait de l’œuvre de Rousseau, une lecture tout en nuances, précise et tranchante, publiée initialement à Cambridge en 1995. Rousseau y apparaît tel qu’en lui-même la diversité de son œuvre le change : « Aucun autre penseur du XVIIIe n’a écrit autant de textes essentiels, dans des domaines et des genres aussi variés… Personne d’autre ne parvint, par les livres qu’il publia et la vie qu’il mena, à stimuler ou à troubler l’imagination du public avec une telle intensité. » Penseur non unique pourrait-on dire, dans un siècle qui en compta pourtant plus d’un, et philosophe, faut-il s’empresser d’ajouter, qui n’eut guère d’imitateur. Nietzsche peut-être – qui le détestait pourtant haut et fort ; Walter Benjamin par moment, mais il mourut trop jeune, alors que toute son époque restait encore à déchiffrer.
De quoi s’agit-il dans cette introduction à la pensée de Rousseau ? De montrer et démontrer comment s’est élaborée la « philosophie » du Citoyen de Genève, comment ses idées ont évolué, progressé, se sont affinées et affirmées au fur et à mesure de ses livres, bien sûr, mais aussi et surtout dans, contre, à travers ce qu’il convient d’appeler « l’histoire de la nature humaine ».

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jeudi 17 mars 2011

Pêle-mêle Rousseau

rousseau7.jpgOn se réunissait le 11 février à la Bibliothèque municipale de Lyon pour évoquer les projets autour de Rousseau dans le cadre de la commémoration du tricentenaire de sa naissance. Revue de détails, sans souci d’exhaustivité aucun.

Comme Jean-Jacques dans sa jeunesse avait un peu peur des femmes et, pour cette raison dit-on, les préférait toutes, c’est-à-dire finissait par ne s’en remettre qu’au seul embarras du choix, à notre tour ne boudons pas nos désirs. Pluralisons joyeusement.
Par où commencer sinon par l’errance, cette forme d’être sans forme, et qui rend le sujet Rousseau aussi désirable qu’inattrapable. L’errance passera donc si l’on peut dire par Annecy et son École d’Art avec une exposition sur le sentiment du paysage et les solitudes qui vont avec. Et repassera partout où ça lui plaira, puisqu’on projette aussi un parcours Rousseau qui empruntera routes et sentiers en Rhône-Alpes et au-delà, et se retrouvera sur une carte dûment signalé.
Errances au pluriel donc, comme la moitié du titre du livre de Lionel Bourg, fruit d’une résidence itinérante réalisée avec le concours de la Région. La Croisée des errances (à paraître à La Fosse aux ours, à l’automne) méritera plus qu’attention. L’auteur est parti sur les traces de Jean-Jacques, lui a emboîté le pas. Ce sera comme une relecture de l’un par l’autre, une sorte d’(auto)portrait de Rousseau au présent.

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