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Le Premier Baiser 
Dessin de Pierre Paul Prud’hon
Paris, Musée du Louvre
© RMN / Michèle Bellot
Dans les premiers jours de 1761, il y a 250 ans, La Nouvelle Héloïse fut mise en vente : "best-seller' du siècle, elle connaîtra 72 éditions jusqu'en 1800 ! Tout le monde aura lu ce roman épistolaire en dépit des remarques hostiles de certains critiques, et il procurera à Rousseau une incroyable célébrité. Raymond Trousson, professeur émérite à l'université de Bruxelles, retrace l'histoire peu commune de ce chef d'oeuvre. 

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Installé à partir d’avril 1756 à la campagne, dans la petite maison que lui a réservée son amie, Mme d’Épinay, Jean-Jacques Rousseau n’a pas tardé à ressentir le poids de la solitude et des ans, nostalgie qui le conduit à revivre ses rares souvenirs amoureux. C’est pour s’en consoler et vivre, au moins en imagination, un amour sans pareil que, peu à peu, au fil de ses promenades, il griffonne d’abord quelques lettres passionnées sans véritable intrigue : c’est le point de départ de Julie, ou la Nouvelle Héloïse. En 1757, sa passion – bien réelle celle-là –, pour la comtesse Sophie d’Houdetot, viendra nourrir et relancer son imagination créatrice, mais le roman devait aussi s’infléchir vers le moral et le grave.

Roman long, et le plus riche peut-être du siècle, mais construit sur une intrigue simple. Éprise de son précepteur, Saint-Preux, jeune roturier sans fortune, Julie d’Étange est devenue sa maîtresse. Son père refusant la mésalliance, elle doit épouser M. de Wolmar, de trente ans son aîné. Désespéré, Saint-Preux, pour oublier, s’engage dans l’expédition commandée par l’amiral Anson. Rentré quatre ans plus tard, il a la surprise d’être reçu par les Wolmar dans leur domaine de Clarens, au bord du lac de Genève, où il découvre avec émerveillement une propriété magistralement administrée, un couple harmonieux, une famille idéale. L’amour est-il mort ? Julie, devenue après sa faute une épouse et une mère exemplaires, meurt avant que rien n’ait mis en péril le bonheur de Clarens, mais en confessant un sentiment que ni ses efforts ni les années n’avaient pu affaiblir.

Même en prétendant à un but moral, Rousseau savait qu’il bafouait ses propres principes, mais avertissait aussi que les esprits mûrs trouveraient dans son roman autre chose qu’une histoire d’amour.