Lionel Bourg
Carnet de route (2)

Après les premières pages du Carnet de route de Lionel Bourg publiées ici en juillet, voici un nouvel envoi depuis la résidence itinérante qu'accomplit l'auteur sur les pas de Jean-Jacques Rousseau.       

     Pilat
     Rude chaleur, ce 9 juillet qui me voit à La Jasserie, marcheur fatigué prêt à boire des litres d’eau fraîche aux sources du Gier captées en contrebas.
     Je suis arrivé par le sentier qui, du Crêt de Botte, oblique sur la droite, traversant un bois de hêtres dont les plus torturés tendent au promeneur mains et moignons tout en bruissant au moindre souffle agitant l’atmosphère. Une côte. Des pierres qui roulent sous les pas. La lande et, dans la pliure des monts faisant cercle, la Grange où Jean-Jacques ne dormit que d’un oeil sur la paille grouillante de vermine.
     J’ai de nouveau quinze ans. Ou douze. Ou vingt.
     Les miens sont là. Maman, papa. Ma compagne. Nos filles.
     Nous avons cueilli des brassées de jonquilles. Des bleuets. Des digitales. Des pensées, certaines pâles, certaines sombres. Des myosotis et, ma mère en parait sa chevelure, des centaurées, du séneçon, les heures, les saisons mêlées dans ma mémoire sous ce même ciel qui s’obscurcit lentement, puis se crible d’étoiles.
     Rousseau n’eut pas ce bonheur.